Le Courrier Français


Vendredi 27 novembre 1992

LETTRES D’AQUITAINE

PRESENCE JESUITE

   Deux Bordelais viennent de publier, chacun de leur côté, une étude sur des personnalités de la Compagnie de Jésus. Jean Lacouture propose aux lecteurs le tome II de son étude « Jésuites », avec en sous-titre « Les revenants ». De son côté Raphaël Vongsuravatana a étudié « Un Jésuite à la Cour de Siam ».

   Deux recherches, une seule conclusion : chez les Jésuites se trouvent des personnalités de premier plan.

   Le Père Tachard est un Angoumois, né vers 1648, dans un milieu bourgeois. A 20 ans, il entre dans la Compagnie. Etudes théologiques et scientifiques avant d’effectuer un grand voyage aux Amériques. Retour et études à Louis-Le-Grand jusque vers 1684.

   Année décisive car cette année arrive à Paris un missionnaire qui vient de Chine. Le Roi Louis XIV, devant l’exposé de la situation, décide d’envoyer vers ce pays lointain six jésuites, afin d’assurer l’évangélisation, mais aussi la présence française sur cette terre, avec en arrière pensée des visées commerciales.

   Le Père Tachard est du voyage. Ainsi débute pour le jeune jésuite une longue carrière de missionnaire, mais aussi de diplomate et d’agent d’influence de la royauté française sur des terres qui s’ouvrent au commerce avec l’Occident. Il est difficile de résumer le livre de Raphaël Vongsuravatana tant est riche la documentation de l’auteur. On y lira les démêlés du religieux avec les autorités locales, les actions entreprises pour asseoir la France sur des comptoirs efficaces. Le religieux réussira dans son action auprès du roi de Siam, avec des fonctions enviables. Mais le succès ne sera pas assez assis pour survivre à une révolution de palais. Les espoirs et la santé du Père Tachard seront réduits et le 21 octobre, il viendra à mourir.

   Vie mouvementée, vie efficace, vie surprenante pour nos mentalités, mais réalité en son temps. Ces quelques lignes redisent la richesse de cet ouvrage, qui est un mémoire de maîtrise, préfacé par le professeur Jean Meyer.

   Nous savons que l’auteur de ce travail poursuit ses recherches sur l’Orient sous la direction d’un professeur d’Histoire de l’Université de Bordeaux.

   Jean Lacouture nous avait conté, dans le premier volume de son étude, la naisse de la Compagnie avec Ignace de Loyola et son histoire jusqu’à la suppression en 1773. Aujourd’hui il retrouve « Les revenants », c’est-à-dire la seconde génération, qui revit en 1814. Histoire de la Compagnie, mais surtout visages de personnalités de cet ordre qui marquèrent la Congrégation. Notons le Père Tailhard de Chardin, ou le Père Pedro Arrupe, Michel de Certeau ou le cardinal Carlo-Maria Martini, qui pourrait devenir le… premier pape jésuite !

   Un livre de stricte histoire, mais dans une langue faite d’anecdotes et de remarques très humaines. Une suite de portraits bien campés.

   Tivoli, la maison des Jésuites à Bordeaux, où Jean Lacouture fit ses études, est présente en ces pages, bien évidemment.

   Deux documents qui témoignent de la vie de l’Eglise au cours des siècles.

   Un regard lucide sur l’histoire de l’Eglise.

Guy PERRAUDEAU

   UN JESUITE A LA COUR DE SIAM par Raphaël Vongsuravatana (ed. France-Empire – 330p – 120 f)